Mathilde Basset. « Ce n’est pas ça mon métier, madame Buzyn »
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Hôpital. Une infirmière a posté sur Facebook un témoignage sur ses conditions de travail déplorables. Une « bouteille à la mer » qui crée des remous sur les réseaux.
Le post de Mathilde Basset commence ainsi : « Je suis infirmière depuis un an et demi. Je travaille depuis trois mois au centre hospitalier du Cheylard, en Ardèche. Enfin, je travaillais, car mon dernier contrat de trois semaines se termine le 4 janvier prochain, et c’est avec dégoût et la boule au ventre que je quitte ce radeau de la Méduse. » L’infirmière de 24 ans évoque les suites de son message à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
Vous dénoncez le manque de moyens à l’hôpital dans lequel vous travailliez. Vous attendiez-vous à autant d’écho ?
Mathilde Basset J’ai posté le message le 27 décembre, en rentrant chez moi, excédée par ce que je venais de vivre. C’est un peu comme une bouteille à la mer. Je l’ai fait pour moi. Je ne m’attendais pas à l’ampleur que ça a pris : 10 200 partages ! Je viens de le glisser dans une enveloppe et vais l’envoyer à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Ça montre que la situation dépasse de très loin le cadre du centre hospitalier du Cheylard, que je n’incrimine pas, d’ailleurs.
Qu’est-ce qui vous a le plus choquée dans vos conditions de travail ?
Mathilde Basset C’est le fossé entre ce qu’on apprend, les valeurs des soignants qu’on nous inculque, et la réalité dans les services. C’est aussi le niveau de responsabilités que les établissements font peser sur le dos des soignants, parce qu’ils n’ont pas le choix, faute de moyens et de remplaçants. Fin octobre, je me suis retrouvée seule avec trente-cinq patients, une admission programmée et deux urgences. Je n’avais qu’un an d’ancienneté ! Comment laisser une jeune soignante comme moi avec toutes ces responsabilités ? J’ai géré comme j’ai pu. J’ai délaissé le relationnel avec les patients, qui devrait représenter un tiers de mon temps. J’ai fait abstraction en espérant ne pas craquer. Mais j’ai pleuré devant des patients parce que je ne pouvais pas faire mon métier. J’ai demandé en interne si la situation était normale. On m’a répondu que c’était comme ça, qu’on n’avait pas les moyens et que ça n’allait pas s’arranger. Mais à part se plaindre dans son coin, on fait quoi ? J’ai dit aux familles de nos usagers de saisir le conseil de vie sociale de l’établissement. J’invite les parents, les résidents, les associations d’usagers à dénoncer la situation, qui dépasse le cadre du Cheylard. On ment aux familles en leur disant que l’on prend en charge leurs parents.
Vous connaissiez pourtant la pénibilité de votre métier…
Mathilde Basset Bien sûr. Mais la pénibilité avec un effectif au complet n’est pas la même qu’avec un effectif réduit !
A-t-il été simple de partir ?
Mathilde Basset Il y a toujours un côté culpabilisant. Mais mes collègues disent elles-mêmes que nous sommes considérées comme des pions, qu’il faut arrêter si ça ne va pas. Je ne suis pas responsable de la situation. Ce n’est pas ça, mon métier. Je ne veux pas servir de caution.
Quelle suite donner à votre message ?
Mathilde Basset Je me retrouve un peu porte-parole malgré moi. J’aimerais que les effectifs augmentent. J’irai à la manifestation à Valence, le 30 janvier (jour de grève nationale intersyndicale dans les Ehpad – établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – NDLR), mais je n’ai pas la prétention de changer les choses. On se bat contre des moulins à vent. Et les personnels soignants sont difficiles à bouger. Ils l’ont déjà tellement fait.