SANTE: souffrance des infirmiers et aides-soignants en Limousin

Article La Montagne 30/05/2017

Le mal-être des infirmiers et aides-soignants est un fait  bien connu. Mais l’étude d’ampleur menée par l’observatoire régional de la santé (ORS) du Limousin permet d’en avoir une idée plus précise. En voici les résultats en avant-première.

Plus de la moitié des aides-soignants du Limousin concernés par la souffrance psychique, et 40 % des infirmiers… Ces résultats d’une étude financée par l’agence régionale de santé (ARS) n’ont pour l’instant pas été rendus publics, période de réserve électorale oblige.

Il s’agit du troisième volet d’une enquête menée par l’observatoire régional de la santé sur la souffrance des soignants en Limousin, après ceux dédiés aux médecins et aux sages-femmes.

Entre décembre 2015 et avril 2016, un questionnaire a été envoyé à 2.400 infirmiers et aides-soignants du Limousin (*). 1.300 réponses, strictement anonymes, ont été exploitées par l’observatoire régional de la santé (ORS) du Limousin. Le mal-être des professionnels de santé est connu, mais l’enquête terminée depuis plus de six mois permet de mieux en mesurer l’étendue.

Deux à trois fois plus de pensées suicidaires
que dans la population générale

12 % des infirmiers diplômés d’État (IDE) et 15 % des aides-soignants (AS) ont pensé au suicide dans les deux années précédant l’étude : respectivement un tiers et un quart des cas pour des raisons exclusivement professionnelles (pour 8 sur 10, le travail était au moins partiellement en cause).

« C’est ce qui m’a le plus choqué. Je ne pensais pas que c’était à ce point-là », commente Bruno Delhomme.

Le burn-out, une réalité très forte

Si 20 % des infirmiers et 25 % des aides-soignants se sentent menacés par le burn-out, un quart et un tiers sont effectivement en état d’épuisement professionnel.
Le burn-out complet touche 10 % des IDE et 15 % des AS, d’après le test de Maslach (établi selon différents critères : la baisse d’empathie envers le patient, la fatigue émotionnelle, le stress…).

« Il y a une demande de prise en charge spécialisée dédiée aux professionnels de santé, que ce soit sous la forme d’une consultation, d’un numéro vert… » BRUNO DELHOMME

Une dégradation du moral préoccupante, mais pas surprenante, selon Bruno Delhomme. « La pression qui est exercée, notamment dans les structures hospitalières, avec du travail de nuit, de week-end, des rappels sur les jours de congés, le non-remplacement des absents et des départs en retraite, ne peut que conduire à ce type de situation. »

Le recours aux psychotropes est d’ailleurs loin d’être anecdotique : un tiers des IDE est concerné sur un an, ce qui ne signifie pas que tous en prennent régulièrement (10 %).

Les personnels de maisons de retraite très exposés

Le constat est plus « péjoratif » pour les soignants qui exercent dans les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) : ils sont davantage concernés par une charge de travail trop lourde et les heures supplémentaires.

Environ 40 % des infirmiers et aides-soignants y éprouvent ainsi une lassitude professionnelle. Autres chiffres impressionnants : plus de 80 % estiment même que leur moral s’est détérioré sur les 24 derniers mois. La souffrance psychique y est particulièrement forte avec 64 % des aides-soignants et 53 % des infirmiers (selon une échelle d’évaluation).

Les cadres ne sont pas épargnés

La moitié des cadres infirmiers fait part d’une souffrance psychique ; un quart est en plein burn-out et un tiers témoigne de tous les signes d’un épuisement professionnel.

Un déficit de reconnaissance durement éprouvé

Un découragement face au manque de reconnaissance de la part de l’administration est pointé du doigt par les deux tiers des soignants. Et pourtant 78 % IDE et 73 % AS se disent plutôt ou tout à fait passionnés par leur travail… Reste à ne pas les en dégoûter et à les accompagner quand ça va mal.
9 infirmiers sur 10 sont ainsi favorables à la création d’une consultation spécialisée dédiée.

(*) Le Limousin compte environ 9.800 infirmiers libéraux ou salariés et plus de 3.700 aides-soignants : l’échantillon retenu a été tiré au sort, en fonction des listes fournies par les structures. Le questionnaire a été envoyé par voie postale au domicile des soignants.

Hélène Pommier

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