Article de France 3 Auvergne
Une mobilisation nationale des professionnels de la santé et de l’action sociale était organisée ce mardi 11 janvier à l’appel de la CGT, pour dénoncer les conditions de travail. A Clermont-Ferrand, les manifestants demandent plus de moyens financiers et humains.
Une centaine de professionnels de santé se sont rassemblés ce mardi 11 janvier devant la CPAM (Caisse primaire d’Assurance Maladie) du Puy-de-Dôme, à Clermont-Ferrand. Ils sont venus de tout le département crier leur ras-le-bol, comme Karine, monitrice éducatrice dans un foyer d’accueil médicalisé. Elle accompagne les personnes dans leur quotidien, du lever au coucher. Elle fait partie du personnel qui n’a pas obtenu la prime Ségur : « On est ici avec mes collègues pour dénoncer un manque de reconnaissance. On a été là pendant la crise sanitaire. On l’est encore. Il y a beaucoup de nos résidents qui sont contaminés par le Covid et on est là, auprès d’eux. Nous n’avons toujours pas la prime Ségur que certains établissements ont eu. Nous avons des problèmes de recrutement parce que, du coup, les gens préfèrent aller travailler là où ça paye le plus. » Elle dénonce des effectifs trop réduits et des conditions de travail qui se détériorent : « Moi, j’ai été positive au Covid il n’y a pas très longtemps. Il a fallu que je vienne travailler en étant positive parce que, malheureusement, il n’y avait pas assez d’effectif pour faire tourner le service. Ça commence à devenir compliqué. »
Une hausse des salaires réclamée
Karine Omaly revendique également une hausse des salaires : « Nos salaires sont gelés depuis peut-être une dizaine d’années. On est autour de 1 600 – 1 700 euros en travaillant un week-end sur deux et les fériés. Avoir 183 euros de plus, ce serait bien. On ne comprend pas pourquoi on ne l’a pas. Avec les décrets qui sortent, on pourrait même se retrouver avec certains membres d’une même équipe qui l’auraient et d’autres pas. » Un avis partagé par une autre manifestante, Amalia, ASH en centre hospitalier depuis 30 ans. Elle dénonce également la souffrance au travail de certains agents : « On veut faire valoir notre mécontentement et les difficultés que l’on rencontre depuis quelques années et qui sont récurrentes : le manque d’effectif, le rappel sur les repos, sur les congés… Nos conditions de travail se dégradent de plus en plus. Bien sûr, avec la crise sanitaire, ça s’est amplifié, mais ce sont des problèmes qu’on rencontrait déjà depuis des années. L’usure, la fatigue… On a l’angoisse quand on arrive dans le service parce qu’on ne sait jamais si on va travailler seul ou en binôme. On est souvent seul, pour la prise en charge des patients c’est très compliqué. Nous on souffre mais le patient souffre aussi, car on ne peut pas lui accorder le temps nécessaire. C’est du travail bâclé même si on ne le veut pas, pourtant on fait de notre mieux. »
« On est aussi là pour les non-vaccinés »
Mais les soignants ne sont pas les seuls en souffrance. Parmi les personnels des fonctions support, Xavier travaille à la blanchisserie du CHU de Clermont-Ferrand et est, lui aussi, venu manifester : « Nos conditions de travail sont de plus en plus difficile à l’hôpital, que ce soit dans les services de soins ou les services techniques. On demande plus d’effectifs, des augmentations de salaire… On est aussi là pour les non-vaccinés. Actuellement, dans la fonction publique hospitalière, on doit être vacciné et avoir la 3ème dose avant le 30 sinon est suspendu. On vit comment ? On fait quoi ? Moi, il faut que je fasse ma 3ème dose sinon je n’ai pas de salaire, alors qu’à la blanchisserie on n’est pas en contact avec les patients. On nous met en porte-à-faux alors qu’on n’est pas les méchants de l’histoire. C’est plutôt l’institution qui, en n’embauchant pas, en ne mettant pas les agents dans de bonnes conditions, fait qu’on est en sous-effectif partout. »
« L’être humain est mis de côté »
Xavier milite aussi pour une hausse du point d’indice : « Avec l’augmentation du Ségur, je suis à 1 500 euros après 6 ans de travail. Mon collègue qui a 30 ans de boutique, il est à 1 900 euros net, ce n’est pas normal. Il est tout en haut de la grille et il n’a rien. On demande l’augmentation du point d’indice et la reconnaissance du travail de tous les agents de la fonction publique quels qu’ils soient. Si les agents de la fonction publique ne sont pas là, le pays ne tourne plus et on n’a pas de reconnaissance. On revient sur notre temps de repos, on donne tout parce qu’on pense aux patients et on nous donne 8 euros par ci par là ? Je n’appelle pas ça de la reconnaissance. » A ses côtés, Philippe travaille lui-aussi de la blanchisserie du CHU de Clermont-Ferrand. « On n’est pas rémunérés à notre juste valeur. Entre un jeune qui vient d’arriver à la blanchisserie et une personne qui a plus de 30 ans de boîte, il y a seulement 300 euros de différence. Il y avait une évolution de carrière plus importante avant. Aujourd’hui, les salaires sont bas. On a de plus en plus de mal à recruter et on est souvent en sous-effectif. À la blanchisserie, c’est devenu l’usine, vous êtes devant une machine de 7 heures à 15 heures. L’être humain est mis de côté ».
« Le Ségur n’a rien réglé »
Eric Rodier, aide-soignant et secrétaire général CGT, estime que le Ségur n’a pas tenu ses promesses : « Le Ségur n’a rien réglé. Ça a juste permis de saupoudrer un peu. Certaines catégories, comme les ASH, les administratifs et les ouvriers n’ont rien obtenu dans la deuxième revalorisation du Ségur.
Il va y avoir des reclassements. Ça représente 7 euros pour certaines catégories et d’autre un peu plus de 100 euros. On demande la hausse du point d’indice. On a une perte de pouvoir d’achat d’environ 300 euros, on en a eu 183. Les agents se rendent de plus en plus compte que le Ségur est une imposture.
Dix fois par semaine, on a des appels d’agents qui nous demandent comment on fait pour partir de l’hôpital, pour démissionner, pour des mutations… Il y a environ 10 à 15% d’infirmières qui veulent partir au bout de la première année d’activité professionnelle. C’est du jamais vu. Le gouvernement a fermé 5 700 lits, en pleine pandémie ! Les gouvernements successifs détruisent l’hôpital. » Des rassemblements similaires ont eu lieu, notamment à Aurillac, où ils étaient 400 à manifester mais aussi à Moulins et au Puy-en-Velay.