Grève des infirmiers anesthésistes à Clermont-Ferrand : « Sans statut, on se retrouve tout nus, à poil »
Cinq infirmiers anesthésistes complètement nus, hormis leurs masques et leurs coiffes, qui se cachent derrière la bannière « IADE Clermont-Ferrand sans statut » : c’est la photo choc que les infirmiers anesthésistes diplômés d’Etat (IADE) du CHU de Clermont-Ferrand ont choisi de diffuser ce jeudi 25 novembre. Tout un symbole. Celui d’une profession en grève, partout en France, depuis le 2 novembre mais qui peine à se faire entendre. Jacques Isoard, infirmier anesthésiste au CHU de Clermont-Ferrand, explique : « Ce geste est fait pour montrer que cela fait des mois et des mois que l’on demande un statut. Sans statut, on se retrouve tout nus, à poil. C’est ça notre message, on réclame un statut ». Cette mobilisation intervient dans le cadre d’un mouvement national.
Une opération « bloc mort »
Ces infirmiers spécialisés avaient appelé à une opération « bloc mort » dans les hôpitaux mais elle est difficile à appliquer au CHU de Clermont-Ferrand : « On est assignés à travailler car on est en grève depuis plus de 3 semaines. On ne peut pas faire l’opération bloc mort car on est quasiment tous assignés à travailler. Mais il s’agit d’une journée nationale où les infirmiers anesthésistes se sont mobilisés notamment sur Paris. On se bat pour faire respecter nos assignations de manière légale mais surtout pour obtenir un statut adapté à notre exercice ». La pression s’est accentuée au fil des semaines de grève et les infirmiers anesthésistes ne veulent pas baisser les bras. Jacques Isoard souligne : « Pour devenir infirmier anesthésiste, il faut être d’abord infirmier, avoir fait 2 ans d’exercice en structure hospitalière, avant de présenter un concours. Ensuite il y a encore 2 ans d’études à temps plein. On arrive au bout avec un grade master, obtenu depuis 2014. Mais avec le Ségur de la santé, les infirmiers ont été un peu revalorisés et on arrive à ce qu’il y ait maintenant quasiment plus de différence, notamment du point de vue du salaire, entre un infirmier et un infirmier anesthésiste, qui a 2 ans d’études de plus ».
Une profession qui serait « menacée »
Les infirmiers anesthésistes ont peur de disparaître au profit d’une profession moins bien formée : « On est vraiment dans une pratique avancée, qui nous a été refusée par le ministère il y a quelques semaines. On souhaiterait être placés comme profession intermédiaire. A terme, il y a un risque de perte d’attractivité de notre exercice, car il n’y a quasiment plus de différence entre un infirmier et un infirmier anesthésiste. On ne voit pas l’intérêt de se former pour si peu. Le gouvernement a mis en place des infirmiers de pratique avancée avec une formation moins importante, mais qui pourraient petit à petit, remplacer les infirmiers anesthésistes ».
De faibles écarts de salaires
Jacques Isoard poursuit : « Entre un infirmier anesthésiste premier échelon et un infirmier premier échelon, il y a 13 euros net par mois d’écart. Après 20 ans de carrière, il y a 150 euros net d’écart et après 40 ans de carrière, il y a 180 euros net d’écart. On fait partie de la catégorie infirmière la moins revalorisée de tout le Ségur de la santé. Ceux qui avaient le moins d’années d’études ont été le mieux revalorisés ».
« Je ne travaille plus sur protocole »
Mais le salaire n’est pas le seul point de crispation. Jacques Isoard insiste : « La principale revendication est d’obtenir un statut adapté à notre exercice. Je travaille dans un bloc opératoire, je vais endormir le patient avec le médecin anesthésiste. Ce dernier va partir dans une autre salle et pendant plusieurs heures, je travaille seul à entretenir l’anesthésie de mon patient. Je ne travaille plus sur protocole. J’assure une stratégie d’anesthésie qui a été mise en place avec le médecin ».
Des grévistes déterminés
Le préavis de grève court jusqu’au 2 décembre et les grévistes attendent un dénouement rapide : « C’était quasiment dans les tuyaux pour que notre statut soit validé à l’Assemblée nationale mais tout est tombé à l’eau du jour au lendemain. Les médecins anesthésistes commencent à nous suivre. Ils s’aperçoivent que si notre profession est menacée, ils sont eux aussi en danger. La sécurité du patient passe par ce binôme. On ne lâche pas car on se dit qu’il y a encore un tout petit créneau avant la présidentielle pour que messieurs Véran, Castex et Macron daignent enfin valider notre statut. On ne lâchera pas et on est très attachés à notre profession ». Jacques Isoard rappelle le rôle important de sa profession durant la crise sanitaire : « Si on est arrivés, à l’hôpital, à passer la première, la deuxième, la troisième vague de COVID, c’est en grande partie grâce aux infirmiers anesthésistes. En début de pandémie, on comptait 5 000 lits de réanimation en France. On est passés à 12 000 lits pendant les crises COVID. Qui a transformé les salles de réveil, les blocs opératoires en salles de réanimation ? Les infirmiers anesthésistes ! On était une grande variable d’ajustement ». Lundi 22 novembre, les sages-femmes ont obtenu une revalorisation de 500 euros net mensuels. Une lueur d’espoir pour les collectifs d’infirmiers anesthésistes. « On n’est pas résignés. On est déterminés. On vit des choses compliquées » conclut Jacques Isoard.
Article « La Montagne »