Billets d’humeur de PRUDHOMME

Les billets d’humeur de Christophe

1er mai 2020

Travailleur.euse

Avant la presse, oubliant l’histoire, désignait le 1er mai comme la Fête du travail alors qu’il s’agit de la Journée internationale des travailleur.euse.s. Pour certains, l’idée qu’il pouvait s’agir d’un gros mot pointait ses oreilles. Mais c’est un joli mot travailleur.euse. D’ailleurs je suis fier d’être un travailleur de la santé en tant que médecin. Le terme salarié.e nous réduit à la rémunération du travail, alors que notre travail ne se limite pas à cela. Nos activités, qu’elles soient rémunérées ou non, participent au fait que nous puissions vivre ensemble en société car le modèle ne peut être l’autarcie de l’ermite.
La crise due au coronavirus semble avoir fait découvrir à certains – au moins dans les discours – qu’un certain nombre de travailleur.euse.s qui constituaient pour eux des coûts avec des charges qu’il fallait réduire, leur étaient indispensables au quotidien. Cela met en lumière ce qu’est la valeur du travail. Certaines tâches sont plus utiles que d’autres, il faut donc d’elles retrouvent leur vraie valeur dans notre société. Qui dit valeur renvoie à une hiérarchie. Alors qui est plus utile dans la période ? Le banquier spécialiste de l’évasion fiscale ou bien la caissière de supermarché, l’infirmière ou le consultant missionné pour restructurer l’hôpital. Aujourd’hui la réponse semble claire et il ne faudra pas l’oublier.
A l’hôpital, dans les EHPAD, dans les établissements accueillant des handicapés et plus généralement dans tout le secteur médicosocial, nous avons besoin de travailleur.euse.s qualifiées car l’essentiel de l’activité repose sur le travail de femmes et d’hommes qui doivent s’occuper d’autres femmes et d’autres hommes qui ont besoin d’eux.
Pour ce 1er mai, encore plus que les autres années, nous manifestons pour réclamer des effectifs supplémentaires pour  et de meilleurs salaires pour pouvoir mieux travailler, donc pouvoir mieux vivre.

28 avril 2020

Chair à canon

Tout le monde se félicite de la mobilisation des personnels de santé qui se sont donnés sans compter dans les hôpitaux et les EHPAD pour accueillir les malades du COVID-19 et assurer la continuité du fonctionnement des établissements.
Malgré l’absence d’équipements de protection, nous avons continué à travailler. C’est dans notre ADN, il n’est pas question de laisser les patients sans soins ou de laisser les collègues en sous-effectifs. Alors de la même manière que nous continuons à travailler quand nous sommes en grève, nous continuons à travailler lors de cette épidémie malgré les dangers auxquels nous sommes exposés. Dès le début de l’épidémie, nous nous sommes inquiétés de connaître le niveau de contamination parmi les soignants. Mais nous nous sommes retrouvés face à un mur. Si quelques chiffres nous sont chichement donnés établissement par établissement, aucun recensement national n’est encore à ce jour disponible malgré les demandes réitérés des syndicats.
Ici il ne s’agit pas d’une question de pénurie mais d’un choix politique délibéré de cacher les données pour ne pas se retrouver en manque de personnel du fait de l’éviction pour positivité d’un nombre trop important de soignants. Quel cynisme !
Nous comprenons alors mieux le terme de « guerre » employé par E. Macron. Comme à la guerre, les « grands généraux » planqués à l’arrière envoient en première ligne sans protection ce qui’l faut bien désigner comme de la « chair à canon ».
Au fil des jours, le nombre de collègues décédés augmente et va continuer à augmenter. Si nous sommes volontaires pour travailler, nous n’acceptons pas de le faire dans n’importe quelle conditions. Nous exigeons de connaître les chiffres de la réalité de la situation. Nous exigeons une stratégie nationale claire de dépistage et d’éviction des personnels infectés.

 

27 avril 2020

Réforme…

Depuis quelques jours fleurissent des tribunes et des expressions diverses concernant l’avenir de l’hôpital et plus globalement du système de santé. Face à une situation dégradée, le consensus est facile à obtenir pour exiger une réforme. Mais attention, le changement peut prendre des directions opposées. Or une bonne partie de ceux qui parlent aujourd’hui poussent à accélérer les évolutions libérales contre lesquelles nous nous battons depuis des années. Alors que face à l’autoritarisme administratif, nous proposons plus de démocratie, les libéraux nous parlent d’agilité, d’autonomie avec la fin du statut public ou encore de levée de fonds privés. Alors que nous revendiquons une reconnaissance des qualifications et des augmentations de salaires, ils exigent la fin du « carcan » du statut de la fonction publique hospitalière.
Il s’agit bien là de la volonté de profiter de la crise pour accélérer la bascule du système de santé vers le secteur marchand avec la logique de l’hôpital entreprise. Il ne faut pas s’en étonner car les libéraux agissent dans le cadre d’une stratégie de long terme parfaitement théorisée et organisée : dans un premier temps, il s’agit de dégrader la qualité des services publics pour rendre évident la nécessité de réformes qu’ils ont soigneusement préparées et qu’ils sortent de leur chapeau au moment opportun pour les imposer comme la seule solution viable, sans autre alternative possible.
Il s’agit aujourd’hui de ne pas le laisser faire. Pour cela, il ne faut pas attendre pour mettre en débat et avancer nos propositions de réforme. Attendre les mauvais coups, c’est avoir déjà perdu. Il nous faut dès maintenant proposer et donner du contenu à un grand service public de la santé financé par une Sécurité sociale disposant des ressources nécessaires. Qui dit grand service public, veut dire notamment la fin des cliniques et des EHPAD à statut privé à but lucratif. Ce ne serait que justice au regard de l’incurie des gestionnaires des EHPAD lors de l’épidémie. En ce qui concerne la Sécurité sociale, exigeons la fin des pseudo-déficits qui sont sciemment créés en diminuant ses ressources pour imposer des plans d’économie. Le niveau des cotisations doit être adapté d’une année sur l’autre pour obtenir un équilibre des comptes.
L’avenir sera à nous si nous savons nous donner les moyens de le construire sur les valeurs du service public et de la solidarité.

 

26 avril 2020

Sanctions ?

Dès le début de l’épidémie, l’administration, pour se dédouaner, tente dans certains établissements de mettre la responsabilité de la contamination des patients sur le dos des soignants.
Nous avons donc vu se multiplier les menaces et les sanctions. Sanctions comme à Toulouse dans un EHPAD où deux infirmier.e.s ont été mis à pied pour avoir osé réclamer des masques. Hier nous apprenons qu’à l’hôpital de Périgueux une enquête de l’ARS met en cause le personnel dans le développement d’un foyer épidémique dans l’établissement. il est évoqué le « non-respect des mesures barrières ». Mais de qui se moque-t-on ? De par la loi, les ARS sont responsables du bon fonctionnement du système de santé, ce qui implique la mise à disposition des matériels nécessaires à cette mission, notamment les équipements de protection individuelle. Or les ARS ont été plus que défaillantes à ce niveau. Ce sont donc leurs responsables qu’il faut sanctionner et non les lampistes sur le terrain qui ont été exposés sans protection au virus et dont certains en sont morts et vont encore en mourir.
Nous en avons assez de cette administration sanitaire qui ne sert que de relais aux gouvernements pour nous imposer depuis des années des restrictions budgétaires et des restructurations avec des fermetures de lits. Dès leur mise en place, nous avons contesté ces agences dirigées par des directeurs généraux tout puissants, véritables préfets sanitaires, nommés directement par le Premier Ministre. Leur caractéristique est le manque totale de démocratie avec des instances dans lesquelles les élus locaux et les représentants syndicaux sont méprisés. A cela s’ajoute, les statuts précaires de nombreux employés qui, ne bénéficiant plus du statut de fonctionnaire avec sa garantie d’indépendance dans l’exercice de ses fonctions, sont soumis à des pressions constantes pour appliquer des mesures auxquelles bien souvent ils n’adhèrent pas.
Face à cette situation, le limogeage du directeur général de l’ARS de la région Grand-Est ne suffit pas. C’est l’ensemble de l’administration sanitaire qu’il faut réformer pour qu’elle retrouve sa mission première qui est de veiller à ce que toute la population ait accès à un système de santé alliant proximité et qualité. Il est indispensable par ailleurs qu’elle soit soumise à un contrôle démocratique dans les départements et les régions.

 

25 avril 2020

Conseil d’État et pénurie

Des associations ont déposé une requête au Conseil d’Etat ayant pour objet « d’enjoindre au Premier ministre et au ministre des Solidarités et de la Santé de prendre les mesures réglementaires propres à assurer le dépistage systématique et régulier des résidents, personnels et intervenants au sein de tous les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), y compris lorsqu’ils sont asymptomatiques, et prendre les mesures propres à affecter prioritairement à leur dépistage le matériel nécessaire ».
Voici la réponse de cette institution : il est « matériellement impossible de soumettre, à bref délai, l’ensemble des personnels et résidents des EHPAD » à un dépistage systématique. Donc cette instance qui a pour rôle celui de juge administratif explique clairement qu’il n’est pas possible d’appliquer les préconisations énoncées par le ministre de la santé lui-même faute de moyens ! C’est la validation de ce que nous disons depuis des semaines, la gestion de la crise n’est pas fondée par des arguments de santé publique mais est motivée par la pénurie de moyens, notamment de tests de dépistage. Donc tant pis pour les EHPAD et leurs résidents. Quel cynisme !
Il faudrait rappeler à ces juges qu’il suffit de franchir le Rhin ou encore d’aller à Marseille pour pouvoir disposer de cette liberté et de ce droit de pouvoir être testé.
Il faudrait aussi leur rappeler qu’en situation de crise, la perte de confiance de la population dans ses dirigeants et dans les institutions est le le pire de ce qui peut arriver dans une démocratie. Car après les « experts » qui ont expliqué tout et son contraire concernant l’utilisation des masques, voici maintenant qu’une des plus hautes juridiction de l’Etat prend une décision tendant à dédouaner ce dernier de ses responsabilités, au détriment du droit des citoyens de disposer des moyens de protéger leur santé.
Voilà aussi un domaine où il va falloir envisager des changements.

 

24 avril 2020

Tristesse

Notre collègue, ami et camarade, Éric Loupiac, médecin urgentiste à l’hôpital de Lons-le-Saulnier a succombé hier à cette saloperie de virus, après une longue hospitalisation en réanimation. Ancien médecin militaire, tu es devenu le délégué de l’Association des médecins urgentistes de France pour le Jura, et tu as été la cheville ouvrière de la lutte pour le maintien de la deuxième équipe de SMUR dans ton établissement.
Que de joyeux souvenirs avec ces rassemblements mêlant personnels hospitaliers, gilets jaunes, citoyens, élus locaux et même les motards en colère ! Tu n’étais pas le plus grand en taille dans l’équipe syndicale mais quand tu prenais le micro, tes arguments portés par une juste colère sonnaient juste et emportaient l’adhésion.
Au cours de cette lutte tu as rejoint la CGT et les camarades étaient fiers de toi, le médecin qui n’avait peur de rien et qui était toujours le premier pour aller au combat.
Au début de l’épidémie, tu t’étais élevé contre le manque de moyens de protection. C’est à ce moment que tu as été contaminé. Au début, tu te voulais rassurant, puis quelques jours après la maladie s’est aggravée. Il y a eu des hauts et des bas, angoisse et espoir…puis la virus a été le plus fort.
Tu nous as quitté. Tu laisses une épouse et des enfants effondrés. Sache que nous ferons tout pour leur apporter notre soutien.
Et puis le maintien du SMUR 2 comme vous l’appeliez n’est pas acquise, car malgré la crise les plans de restructuration-destruction de l’hôpital public continuent. Hôpital public à l’avenir duquel tu étais si attaché. Nous allons continuer le combat en ton nom et pour toi.
Adieu mon ami, adieu mon camarade.

 

23 avril 2020

Des lits

Alors que la première vague commence à refluer, l’urgence est de reprendre l’activité normale dans nos services afin d’accueillir les patients qui ont vu leur prise en charge reportée du fait de l’épidémie.
Oui, mais à l’instar du directeur général de l’ARS du Grand-Est qui a énoncé clairement que rien n’avait changé au niveau des opérations de restructurations hospitalières et de plans de retour à l’équilibre, la plupart des directions hospitalières n’ont pas changé d’objectifs. La crise semble être pour eux une simple parenthèse qu’il va falloir refermer sans que soient remise en cause la politique poursuivie depuis 20 ans de diminution du nombre de lits, de fermetures de services et d’hôpitaux.
Nos collègues des hôpitaux psychiatriques, comme celui du Vinatier à Lyon, en font brutalement l’expérience ces jours-ci. Les services fermés ou transformés en structures d’accueil pour les patients atteints par la maladie COVID-19 ne retrouveront pas leur mission d’origine et les capacités d’accueil de l’établissement vont s’en trouver amputées.
Heureusement, en lutte avant la crise, ils ne baissent pas les bras et malgré le confinement, ils ont manifesté ces derniers jours dans l’enceinte de l’hôpital pour exprimer leur refus du retour au « monde d’avant ».
Depuis des années, nous protestons contre le défaut de moyens du secteur psychiatrique et la crise actuelle va encore augmenter les besoins, Les urgentistes le dénoncent crûment : faute de prise en charge, une bonne partie des patients présentant des troubles psychiatriques sont abandonnés dans la rue ou en prison. Le plan d’urgence pour la psychiatrie est encore plus d’actualité aujourd’hui qu’hier.
La psychiatrie n’est pas le seul secteur touché. Les arguments avancés sont toujours les mêmes : faute de personnels, il n’est pas possible de rouvrir tous les lits. Nous connaissons la chanson: les services fermés soi-disant temporairement le restent trop souvent définitivement.
C’est la raison pour laquelle, nous demandons un véritable plan d’urgence d’embauche et de formation de personnels, toutes catégories confondues; En ce qui concerne les médecins dont la pénurie est souvent l’argument pour fermer des structures, il existe deux solutions immédiates au-delà de l’augmentation du nombre de médecins en formation dont les effets sont à objectif de 10 ans : une régulation de l’installation des médecins tant en ville qu’à l’hôpital pour une meilleure répartition sur le territoire et l’appel à des médecins étrangers dans le cadre d’un appel d’offre international auquel certains pays dont Cuba sont capables de répondre.

 

22 avril 2020

Hôtels

L’inventivité des gens qui nous gouvernent est sans limite pour masquer la pénurie de moyens et vendre des solutions dites « innovantes ».
La proposition de loger les personnes positives au coronavirus à leur sortie de l’hôpital fait partie de ces mesures. Regardons quel est l’objectif : éviter un retour à domicile précoce de personnes qui seraient encore contagieuses.
Deux questions se posent alors. Sachant que les personnes sont contagieuses avant même l’apparition des premiers signes, on en revient au problème de la réalisation massive de tests chez les individus ayant été en contact avec une personne atteinte. Oui, mais il n’y a pas assez de tests ! Donc, cette mesure ne permet pas d’être efficace pour éviter la propagation de l’épidémie, notamment au sein des familles. L’autre argument annoncé serait de libérer des lits pour soulager l’hôpital. Alors, là les bras m’en tombent car cet argument je le connais bien. C’est celui qui nous est servi depuis des années pour fermer massivement des lits sous couvert du soi-disant tout ambulatoire. Mais comme il est difficile de mettre les patients à la rue, surtout quand ils habitent loin ou que leur logement est inadapté, nous avons vu fleurir ces dernières années les projets « d’hôtels hospitaliers » construits en face de l’hôpital par le même groupe Accor qui est sollicité aujourd’hui.
C’est d’ailleurs ce qu’a imposé Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP, avec son projet de nouvel hôpital au nord de Paris qui prévoit la fermeture de deux hôpitaux se traduisant par la suppression de 400 lits et de plus de 1 000 emplois. Mais pour régler le problème, il nous a vendu un hôtel hospitalier ! Ce monsieur que certains médias complaisants présentent comme le « commandant du navire qui a piloté avec succès le bateau au cœur de la tempête », ne poursuit en fait avec ce programme que son opération de destruction de l’hôpital public.
Par ailleurs dans cette opération, même si le groupe hôtelier s’en défend, elle lui permet de reprendre son activité, même si cela se fait à prix coûtant. Prix coûtant pour lui mais pas pour les finances publiques et les budgets hospitaliers !
Par ailleurs, les hôtels auraient été bien utiles dès le début de l’épidémie pour accueillir les populations les plus précaires, sans domicile ou hébergés dans les logements surpeuplés et parfois insalubres. Cela aurait permis par exemple d’éviter, comme dans mon département en Seine-Saint-Denis, qu’après la détection d’un cas dans une famille, nous nous retrouvions à hospitalier quelques jours plus tard plusieurs membres de cette famille.
Alors, assez de mensonges et de mesures gadgets. Ce dont nous avons besoin, c’est d’embaucher du personnel dans les hôpitaux pour rouvrir les lits dont nous avons besoin aujourd’hui et dont nous aurons encore besoin demain.

 

21 avril 2020

Isolement

Nous avons de plus en plus d’appels au SAMU de personnes qui se présentent initialement comme des malades atteints de la maladie COVID-19 mais qui en fait souffrent de crises d’angoisse majeures. L’expression peut parfois être sévère avec un blocage de la respiration, une peur de la mort et une grande agitation. Dans de très nombreux cas, ces personnes vivent seules, sont isolées avec très peu, voire aucun contact extérieur. Il est difficile pour nous au téléphone de les rassurer car pour beaucoup, ce que nous appelons la somatisation, c’est-à-dire l’expression par des signes physiques d’une détresse psychologique, n’est dans un premier temps pas acceptable.
Il est nécessaire de passer souvent beaucoup de temps à discuter pour essayer de déloquer la situation – et oui la bonne médecine, c’et aussi avoir du temps, ce dont nous manquons trop souvent pour nos patients. Il est parfois utile d’organiser le passage d’une équipe de secouristes ou d’ambulanciers pour vérifier ce qu’on appelle la saturation en oxygène avec un petit appareil posé au bout d’un doigt. Cette simple visite constitue une bouffée d’oxygène salvatrice pour beaucoup.
Cela nous montre bien que dans nos grandes villes, trop de personnes vivent recluses sans aucun contact, alors que des dizaines de personnes vivent à quelques mètres mais restent des inconnues. Cette crise souligne ce manque de relation au quotidien dans les immeubles et les quartiers. Les fêtes des voisins ne suffisent pas à recréer le lien social perdu dans notre société où l’individualisme a trop souvent pris le pas sur le collectif.
La bonne santé ne se résume donc pas à un bon fonctionnement de la mécanique corporelle. Les relations sociales sont indispensables pour ne pas dépérir. C’est ce qui a été fortement exprimé par nos collègues dans les EHPAD pour rétablir les visites des proches. Pour les personnes âgées, nous parlons de « syndrome de glissement », terme technique pour désigner la perte du goût à la vie.
Il y a quelques jours, je vous incitais à accompagner vos applaudissements par l’affichage de banderoles à vos fenêtres, vos grilles et vos balcons. Aujourd’hui, les soignants vous demandent aussi de vous préoccuper de vos voisins, en particulier ceux qui vivent seuls. Le vivre ensemble et la solidarité sont des éléments essentiels de la bonne santé individuelle mais aussi de la « bonne santé » de notre société.

 

20 avril 2020

Méfiance

Le premier ministre et le ministre de la santé ont voulu comme ils le disent faire oeuvre de pédagogie hier soir. Une fois de plus, la stratégie proposée pour la levée du confinement est imposée par la pénurie des outils essentiels dont nous avons besoin pour gérer cette épidémie. Nous le répétons et l’exemple de certains pays étrangers est là pour le confirmer, les masques et les tests nous ont manqué et continuent à nous manquer. En effet, il est évident que pour détecter et confiner de manière stricte et sélective, il faut que tout un chacun puisse être testé au moindre doute et pas seulement en cas de symptômes. Isolement sélectif veut dire absence de contact rapproché, y compris dans le milieu familial et pour ceux qui vivent seuls, par exemple le portage des repas pour éviter les sorties.
Concernant les masques, la multiplication des initiatives de bonne volonté pour bricoler des masques en tissu est une solution au rabais. Bien entendu, les masques n’assurent pas une protection absolue, mais il est clair qu’un masque en tissu de fabrication artisanale, sans aucun contrôle de qualité, est moins efficace qu’un masque chirurgical.
Une fois de plus, ceux qui nous gouvernent ne nous ont pas présenté une stratégie validée par des données de santé publique mais bien des mesures motivées par leur incapacité à nous fournir les moyens nécessaires pour que la reprise d’activité puisse se faire en minimisant au maximum les risques.
Eviter de nouvelles contaminations doit rester la priorité car notre système hospitalier est au bout du rouleau et ne pourra pas encaisser une deuxième vague. Cela ne peut se faire en maintenant un confinement total de la population dont l’efficacité est certaine, mais qui a été motivé au début de l’épidémie uniquement par le fait que nous étions incapables de détecter les premières personnes contaminées pour les isoler elles et elles seules.
De fait les explications confuses et incomplètes de ces deux ministres n’inspirent pas confiance. Confiance qui est absolument nécessaire pour que le citoyens qui sont appelés à la responsabilité pour le déconfinement, puissent adopter un comportement adapté, réfléchi et librement consenti.
Les soignants savent que la relation de confiance avec le patient est un élément essentiel de sa prise en charge et de la réussite des traitements. Comment croire que le malade continuera à prendre des médicaments qui ont tous des effets secondaires s’il n’a pas reçu des explications convaincantes sur le rapport bénéfice-risque favorable et sur la possibilité de trouver une autre solution en cas d’effets indésirables néfastes.
Alors, messieurs les ministres, arrêtez de nous mener en bateau, jouez cartes sur table, reconnaissez vos erreurs et vos limites.
Un petit merci quand même après ces critiques : merci pour les résidents en EHPAD qui vont enfin pouvoir recevoir de nouveau des visites !

 

19 avril 2020

S’exprimer

Aujourd’hui dimanche, c’est jour de repos aussi pour moi. Alors, je vais consacrer mon billet à ceux qui utilisent la période de repos forcé dû au confinement et les réseaux sociaux pour s’exprimer de manière diverse et variée. Du sérieux et du moins sérieux, mais surtout et cela fait plaisir, une parole qui se libère pour garder le contact avec les autres. L’Homme ne peut se passer d’interactions sociales et c’est un bon signe. Chacun se rend compte qu’il ne peut vivre seul dans sa bulle et que l’individualisme, valeur cardinale des libéraux qui nous gouvernent, a ses limites.
Tous ces modes d’expression, c’est remettre du collectif. Du collectif qui montre que chacun dépend des autres. Et puis que du collectif au politique, il n’y a qu’un pas.
Alors, toutes ces idées qui foisonnent par écrit, en vidéo ou en chanson, il faudra continuer à les faire vivre pour que nous les citoyens reprenions le pouvoir. C’est indispensable car la crise a montré que la délégation de pouvoir dans le cadre de ce que nous appelons une démocratie parlementaire a ses limites.
Il ne peut y avoir d’un côté les « experts » et de l’autre ceux qui doivent les écouter pour qu’on leur explique, car ils ne seraient pas capables de comprendre et d’avoir une opinion propre. Alors il va falloir continuer à ce que la parole de tous soit prise en compte pour que les choix politiques essentiels, notamment en ce qui concerne l’avenir de notre système de santé, soient maîtrisés par les meilleurs experts que sont les citoyens.

 

18 avril 2020

Des embauches

Si l’activité en réanimation reste élevée, celle du SAMU et des urgences a heureusement diminué, même si elle reste à un niveau élevé, avec des patients présentant des pathologies graves.
La mobilisation du personnel qui n’a pas compté ses heures supplémentaires a permis que le système ne craque pas aux moments les plus difficiles de la crise, mais il n’est pas question que nous revenions dans les semaines qui viennent à la situation antérieure de sous-effectifs et de tension permanente.
En effet, ce serait accepter ce contre quoi nous nous mobilisons depuis un an maintenant. Je rappelle que notre première revendication, avant celle de l’augmentation des salaires, est l’embauche de personnels supplémentaires. Voici les chiffres : 100 000 emplois pour l’hôpital et 200 000 dans les EHPAD (300 000 si on inclut l’aide à domicile).
Sur le premier point, nous n’avons obtenu qu’une prime, ce qui est notoirement insuffisant, il n’est donc pas question de lâcher l’affaire et il faut remettre sur la table le chiffrage en nombre de postes nécessaires, service par service, que nous avons inscrit dans nos cahiers de doléances publiés ces derniers mois.
Nous sommes virtuellement encore en grève. Il ne faut pas que le gouvernement l’oublie. Nous exigeons un plan de formation et de recrutement immédiat pour l’hôpital public et les EHPAD. Nous faisons appel à la population pour qu’elle soutienne cette revendication, hôpital par hôpital, ville par ville, en accrochant des banderoles aux fenêtres avec ce slogan ‘ » Des emplois pour l’hôpital et les EHPAD ».
Ces emplois sont d’autant plus nécessaires que nous ne savons pas ce que les mois à venir nous réservent. SI l’épidémie repart ou revient dans les années à venir, ce qui est fort probable, il faudra cette fois être prêt pour l’affronter, tant au niveau du nombre de personnels, que de lits de réanimation ou encore de matériel de protection ou de médicaments.
Monsieur le président pour gagner une « guerre », il faut savoir préparer ses « troupes » et ses « armes » !

 

17 avril 2020

Banderoles

Chaque soir les applaudissements à destination des personnels hospitaliers retentissent aux fenêtres. Nous avons été nombreux à adresser nos remerciements, mais à demander aussi à ce que s’exprime plus explicitement un soutien à nos revendications par l’accrochage de banderoles.
Revendications que nous avons également afficher sur les grilles de nos hôpitaux depuis plusieurs mois. L’intersyndicale élargie aux collectifs et associations a même sollicité ce mode d’action pour la journée mondiale de la santé du 7 avril dernier, devant l’impossibilité de manifester publiquement dans la rue.
Depuis quelques jours nous sommes alertés sur des interventions de la police nationale et de polices municipales au domicile des personnes qui ont suivi notre mot d’ordre, leur sommant de décrocher les banderoles au motif du délit d’affichage sauvage.
La multiplicité des messages montrent qu’il ne s’agit pas de dérapages localisés, mais que ces actions procèdent de consignes très précises données aux policiers. Cela démontre bien la dérive autoritaire du gouvernement qui, après avoir réprimé violemment les manifestations des hospitaliers veut maintenant empêcher l’expression de la solidarité de la population quand les slogans ne lui plaisent pas.
Mais dans quel pays vivons-nous ? Le gouvernement est prompt à dénoncer les atteintes à la démocratie dans certains pays alors qu’il organise en France une limitation de nos libertés et utilise le fameux état d’urgence sanitaire pour étouffer toute contestation.
Nous demandons à tous les citoyens de ne pas céder aux pressions et de continuer à nous soutenir de manière active et visible sur leurs fenêtres et leurs balcons.

 

16 avril 2020

Prime ?

Ce gouvernement persiste dans son attitude de mépris des personnels hospitaliers. Il nous refait le coup de la prime comme l’an dernier lors du mouvement des personnels des urgences.
Nous lui avions clairement signifié à l’époque que nous ne voulions pas de primes mais des augmentations de salaires et une revalorisation des grilles des carrières. A l’époque les propositions de madame Buzyn avaient entraîné un élargissement du mouvement qui s’est ensuite généralisé à l’ensemble de l’hôpital.
Bien sûr, au regard de la faiblesse des salaires des personnels hospitaliers, une prime ponctuelle est toujours bonne à prendre et permettra à beaucoup de payer des factures en retard ou de réaliser des achats prévus et repoussés faute de moyens.
Mais nous répétons aussi qu’il ne faut pas s’étonner si avant la crise près de 600 postes d’infirmier.e.s étaient vacants à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris. En effet, face à la pénibilité et à la faiblesse des salaires, les candidat.e.s à l’embauche ce faisaient rares et ne compensaient pas les démissions. Résultat 400 lits fermés !
Pour les aides-soignant.e.s, la situation est encore plus catastrophique avec une chute l’an dernier de 40 % des inscriptions à l’entrée des écoles et des postes non pourvus, notamment dans les EHPAD.
Un chiffre à lui seul met crûment en lumière cette situation : le salaire des infirmier.e.s français.e.s se situe au 28e rang sur 32 au sein des pays de l’OCDE.
Nous ne voulons pas d’une aumône pour nous remercier de notre engagement, mais d’une véritable reconnaissance de nos qualifications et compétences. Cela passe par une augmentation visible sur la fiche de paye, non pas seulement au mois de mai mais pour tous les mois de l’année.
Mais dans quel pays sommes -nous ? Celui de la charité pour fournir du matériel aux hôpitaux et de la gratification exceptionnelle accordée au petit personnel pour le remercier de s’être bien comporté dans une période difficile ?
Il faut que le gouvernement se rappelle qu’aujourd’hui encore nos préavis de grève qui courent depuis un an non pas été levés, que cette persistance dans la non-prise en compte des revendications des hospitaliers renforce leur colère. Colère froide et déterminée car ce que nous voulons ce ne sont pas seulement des applaudissements mais des moyens pour embaucher, augmenter les salaires et stopper les plans de « restructuration » qui se traduisent par des fermetures de lits, de services et d’hôpitaux.

15 avril 2020

Plateau et déconfinement

Le nombre de patients en réanimation atteints de la maladie COVID-19 reste élevé et continue de mettre l’hôpital sous pression. Imaginez, un peu plus de 6 500 patients atteints de cette maladie sont hospitalisés alors qu’avant la crise nous ne disposions que de 5 000 lits de réanimation.
Le point positif est qu’au SAMU nous sommes moins surchargés et que l’activité habituelle que nous avions un peu oublié, même si elle n’avait pas disparue, redevient plus visible. Hier, nous avons commencé la journée par un accouchement à domicile puis enchaîné sur la prise en charge d’une patiente atteinte d’un infarctus du myocarde. Alors que notre volume d’activité reste très élevée, les équipes ont l’impression de souffler comparativement aux semaines précédentes.
Si nous avons sûrement atteint ce qui est appelé la phase de plateau en Île-de-France, la vigilance reste de mise avec des signes de tension qui apparaissent en province, comme à La Rochelle qui n’a pu accueillir en fin de semaine dernière les patients transférés de Paris.
Donc pour nous les soignants, rien n’est gagné, même si pour ceux qui ont été fortement sollicités récemment, cette phase de répit est la bienvenue.
Nous sommes ainsi particulièrement inquiets concernant les procédures du déconfinement ? Allons-nous disposer de suffisamment de masques et de tests pour détecter et isoler les porteurs du virus ? Cette question est essentielle et l’annonce du président de République qui limite l’accès aux tests aux personnes présentant des symptômes, n’apparaît pas adaptée. Bien au contraire, l’efficacité voudrait que nous puissions détecter les porteurs asymptomatiques, notamment ceux qui ont été en contact avec des malades, avant de reprendre une activité professionnelle ou autre. Nous risquons sinon une reprise de l’épidémie.
Visiblement ce ne sont encore une fois pas les priorités de santé publique qui ont motivé l’annonce de la date du 11 mai, mais bien un impératif de reprise économique, sans que la priorité ne soit donnée à la disponibilité de masques de protection de qualité et à un accès élargi aux tests.

 

14 avril 2020

Les « jours heureux » ?

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai écouté le président Macron hier soir à la télévision. Long discours au ton compassionnel, ne voulant oublier personnes dans ses longs remerciements, peut-être si on veut y croire teinté d’une légère pointe d’autocritique mais vite tempérée par l’affirmation que d’autres pays sont dans le même situation, donc que ce n’est pas « de notre faute » si non manquons de masques et de tests.
Puis comme d’habitude, des platitudes et des banalités avec un seul chiffre précis, répété de nombreuses fois : une date, celle du début du déconfinement. Mais monsieur Macron, je souhaite vous rappeler avec mes collègues que votre discours intervient un an après le début du mouvement de protestation des hospitaliers qui a débuté aux urgences de l’hôpital Saint-Antoine à Paris. Mouvement qui s’est élargi autour d’un socle revendicatif commun et nous aurions aimé cette fois-ci entendre des réponses précises et chiffrées à nos revendications. Il ne suffit pas de remercier les « héros » et de répéter à l’envi de vagues promesses concernant les moyens pour l’hôpital. Vous savez être précis et aligner les milliards quand il s’agit d’aider vos amis des entreprises et des banques. Alors je vais répéter quelques unes de nos demandes :

  • une augmentation des salaires immédiate de 300 euros par mois pour l’ensemble des personnels ;
  • l’annulation de la totalité de la dette des hôpitaux qui se monte aujourd’hui à 30 milliards d’euros ;
  • l’embauche de 100 000 agents dans les hôpitaux et de 300 000 dans les EHPAD ;
  • l’annulation et non la suspension comme l’a énoncé votre Premier Ministre des plans de restructuration des hôpitaux et des fermetures de lits…

J’arrête là ma liste sinon mon billet serait trop long. Alors, monsieur le Président nous ne pouvons nous contenter de vagues déclarations d’intention et de votre annonce en fin d’intervention des futurs « jours heureux ». Citation du titre du programme du Conseil National de la Résistance à la limite de l’indécence dans votre bouche.
Nous hospitaliers, nous voulons et nous nous battons pour un changement radical de politique pour l’hôpital public, ce qui passe par une réponse immédiate aux revendications très précises que nous portons depuis maintenant un an. Assez de promesses, des actes monsieur le Président.

 

13 avril 2020

Changement ?

Beaucoup aujourd’hui nous annoncent que »demain ne sera pas comme hier », notamment à l’hôpital. Nous pouvons l’espérer. Mais au-delà des déclarations d’intention,nous ne pouvons que constater que dans l’ensemble pour le gouvernement les anciens schémas continuent de s’appliquer.
Alors que les hôpitaux demandent de la trésorerie pour assurer leur fonctionnement pendant la période de crise, le ministère de la santé propose une mécanique complexe et bureaucratique qui cache en fait la poursuite de l’austérité budgétaire pour les établissements. Même la représentation institutionnelle des hôpitaux, la Fédération hospitalière de France, s’en est émue dans des termes polis mais avec une colère sous-jacente très visible.
En ce qui concerne les fameux « héros » qui accumulent les heures supplémentaires, nous voyons poindre la proposition d’une nouvelle prime pour solde de tout compte qui ne prendra pas en compte le décompte réel du travail effectué.
Comme vient de l’énoncer mon confrère, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, la question est simple « Est-ce qu’on a le droit, est-ce qu’on a bien fait de massacrer l’hôpital pour gagner un peu de sous, pour faire un peu d’économies ? Je pense que les économies de ces trente dernières années vont nous coûter extrêmement chez dans les trente prochaines années ».
Pour moi et une majorité de personnels hospitaliers et je pense aussi de la population, la réponse est simple : c’est non.
Mais au-delà du pouvoir de dire non que nous reste-t-il comme moyens dans notre démocratie cadenassée avec un président, monarque absolu, et un parlement de courtisans soumis ?
C’est à cette question qu’il faut dès à maintenant réfléchir pour trouver des solutions. Loin de la grande « unité nationale » du consensus mou, il faudra imposer d’autres choix à ceux qui veulent que rien ne change car il n’y aurait pas d’alternative à la mondialisation libérale.
C’est pourquoi dès à présent, il faut critiquer, proposer, se mobiliser, même pendant le confinement. Et encore plus pendant le confinement, car vouloir que le monde change pour un monde meilleur, c’est espérer et l’espoir, c’est la vie.

 

12 avril 2020

Un rêve

Aujourd’hui de repos, j’envoie un salut à mes collègues qui assurent la continuité du service public, en particulier les jours fériés.
Je me permets de faire un rêve. Le président de la République a parlé d’une guerre. Or l’histoire a montré que les guerres étaient sources de bouleversement dans l’histoire de l’humanité. Pour ceux qui se battent, il faut penser à l’après pour qu’il soit meilleur que l’avant. C’est ce qu’ont fait les membres du Conseil National de la Résistance en imaginant une sécurité sociale répondant à l’ensemble des besoins de tous les citoyens quelle que soit leur niveau de revenus. Sécurité sociale pour la maladie, pour la « retraite des vieux », pour les accidents de travail, pour pouvoir élever ses enfants et pour pouvoir continuer à vivre quand on est au chômage.
Alors pour demain, je rêve d’un service public de santé avec des hôpitaux, des centres de santé, des personnels bien formés et bien payés, assurant à tout citoyen quel que soit son lieu de résidence de pouvoir avoir accès à une prise en charge de qualité associant prévention et soins.
Je rêve d’une sécurité sociale financée par des cotisations qui ne sont pas des « charges » mais bien une part des revenus de chaque travailleur qu’il verse volontairement à une caisse assurant une gestion solidaire des besoins de tout un chacun. Nos cotisations, c’est une partie de nos salaires qui nous appartient. C’est la raison pour laquelle la fameuse « exonération des charges sociales » offerte aux entreprises constitue un vol manifeste du produit de notre travail.
Alors, oui demain, il faudra nous battre pour que ce rêve devienne une réalité, dans une société plus juste et plus humaine.

 

11 avril 2020

Des lits

Je pars à l’hôpital ce matin en ce début de long week-end et je suis soulagé en ce qui concerne la disponibilité des lits avec le début de la phase de plateau de l’épidémie.
En effet, depuis 15 ans, pour nous les urgentistes, ces week-ends prolongés généraient une véritable angoisse pour hospitaliser nos patients. La politique d’adaptation du nombre de lits ouverts au personnel présent – en sous-effectifs – et non aux besoins, se traduisaient par l’attente de très nombreux patients sur des brancards, parfois pendant plus de 48 heures, faute de lits disponibles. Comme toujours, c’étaient les plus fragiles, notamment les personnes âgées en provenance des EHPAD qui subissaient ces conditions d’accueil indignes et qui parfois mourraient sur ces brancards. Malgré nos protestations, les ministres successifs et une partie de nos collègues médecins nous expliquaient les bienfaits du tout ambulatoire et madame Bachelot, qui essaye aujourd’hui de se refaire une virginité, nous vendaient les fameux « bed managers « , les gestionnaires de lits pour nous trouver les lits qui n’existaient plus car elle les avait fermés suivant en cela la politique de ses prédécesseurs.
Avec la crise, la mobilisation des personnels a permis l’ouverture d’un grand nombre de lits de réanimation et l’ouverture d’unités spéciales pour les malades atteints du COVID-19. Pour une fois, les médecins ont imposé le rythme en fonction des besoins et les directions hospitalières ont dû s’adapter. Adaptation qui s’est faite avec difficulté, car ces directions sont empêtrées dans leur logique du « lean magement », ce fonctionnement à flux tendu avec des stocks zéro pour répondre aux différents plans d’économie que les gouvernements successifs leur demandaient d’appliquer sans états d’âme.
Un des effets de cette crise a été de redonner le pouvoir de décision et d’organisation aux personnels qui se sont mobilisées spontanément, parfois contre l’avis de l’administration. C’est une leçon qu’il va falloir retenir pour l’avenir. Ce qui doit nous guider ce sont les besoins de la population et non la maîtrise comptable des budgets. Les meilleurs experts sont les patients et les professionnels de santé de terrain !

 

10 avril 2020

Les autres patients…

Brutalement l’hôpital a dû s’adapter pour accueillir les malades du COVID-19. De très nombreux patients ont vu leur hospitalisation, leurs examens ou encore leur intervention chirurgicale déprogrammés et renvoyés à une date ultérieure non précisée.
Les services d’urgence et les standards du SAMU ont vu se réduire comme peau de chagrin les patients appelant pour un infarctus du myocarde ou encore un AVC. Dans un premier temps, obnubilés par l’urgence sanitaire, nous étions soulagés, mais rapidement une inquiétude s’est faite jour. Mais où sont passés ces malades ? Bien sûr le confinement peut expliquer que nous ayons moins d’accidents et de traumatologie, mais il n’y avait pas de raison pour que les autres pathologies disparaissent. Nous nous sommes vite rendu compte qu’il existait une véritable sidération dans la population, avec une peur de venir à l’hôpital et donc une tendance à minorer les signes d’alerte, ce qui entraînait un retard aux appels. Mais tout retard à la prise en charge de ces maladies, ce sont des risques de handicaps sévères, voire de décès.
Nos collègues spécialistes hospitaliers et les médecins généralistes de ville ont vite tiré la sonnette d’alarme. Ils ont évoqué la « bombe sanitaire » potentielle que représentait cette rupture de suivi des patients atteints de maladies chroniques et exposés à de nombreuses complications du fait de leur rupture de suivi.
La mobilisation massive de l’ensemble des personnels a permis d’encaisser la vague de l’épidémie virale dans les régions les plus touchées, il faut maintenant gérer deux priorités : continuer à accueillir et à soigner les malades atteints du COVID-19 et remettre ne route le fonctionnement habituel de notre système de santé, tant en ville qu’à l’hôpital. Ce doit être une priorité pour éviter une deuxième crise sanitaire dans les semaines et les mois à venir.
Il faut également parler d’une population particulière qui est celle des patients atteints de troubles psychiatriques. Non seulement la dégradation de notre système de santé ne permettait pas avant la crise une prise en charge optimale de ces oubliés de notre société, mais le confinement brutal est pour nombre d’entre eux un véritable calvaire, ce d’autant qu’ils sont souvent isolés et incapables de gérer seuls une telle situation. Ils avaient été les victimes invisibles de la crise de la canicule en 2003 et les autorités n’avaient constaté que tardivement la surmortalité qui avait frappé cette population en 2003. Ne les oublions pas une deuxième fois !

9 avril 2020

Merci

Aujourd’hui je souhaite parler de mes collègues de l’ombre qui ne sont pas des soignants mais qui sont indispensables au bon fonctionnement du Samu : les logisticiens.
Ce sont eux qui s’occupent de la réception du matériel, de leur stockage et de leur entretien. Ce sont encore eux qui vont chercher nos repas, s’occupent de nos tenues et font aussi la vaisselle. Ce sont des tâches indispensables pour que nous puissions travailler dans les meilleures conditions possibles. Il y a aussi les agents de désinfection, des équipes de sous-traitants qui ont été mises en place pour décontaminer nos ambulances après chaque transport de malade COVID plus. Avant leur arrivée, les équipes médicales et paramédicales devaient effectuer cette tâche après chaque transport, ce qui ne leur laissait aucun temps de repos entre chaque malade. Merci à eux de nous soulager de cette tâche dans des conditions difficiles. Merci aussi aux femmes de ménage, elles aussi employées en sous-traitance, ce que nous contestons, car le ménage relève de l’hygiène hospitalière, essentielle en termes de bon fonctionnement de nos établissements. Il devrait être assuré par des agents de service hospitalier titulaires, intégrés dans les équipes soignantes.
Merci aussi à tous les artisans et à toutes les entreprises qui nous livrent gracieusement des viennoiseries, des repas divers et variés. Un spécial pour notre marchand de kebab favori qui nous a préparé sa spécialité, très appréciée des équipes. Comme vous le savez le travail en continu nécessite d’avoir du café à disposition en permanence, surtout la nuit. Notre machine à café, très sollicitée, a montré des signes se faiblesse. Un membre de la famille d’un de nos médecins travaillant chez Métro a mobilisé ses connaissances pour nous faire livrer gracieusement une nouvelle machine qui est la bienvenue. Un grand merci ! Monsieur le Président, nous ne sommes pas des héros. L’hôpital fonctionne aujourd’hui grâce aux cent métiers qu’assurent des personnels dont le dévouement et la compétence ne pas toujours reconnus à leur juste valeur et qui sont trop souvent mal payés. Monsieur le Président, vous n’avez pas donné les moyens d’un bon fonctionnement de l’hôpital lors du vote de la dernière loi de financement de la sécurité sociale et, aujourd’hui, nous sommes obligés d’accepter la générosité publique pour améliorer notre ordinaire.
Monsieur le Président, il y a urgence à ce que tout cela change, parce qu’aujourd’hui nous ne pouvons pas vous dire merci !

8 avril 2020

Réanimation

La particularité de cette épidémie n’est pas le nombre total de malades mais le nombre de ceux qui nécessitent des lits de réanimation. Nous n’avons jamais connu un tel besoin sur une si courte période. Si le nombre de nouveaux malades commence à diminuer grâce au confinement, par contre les besoins en places de réanimation restent très élevés et continuent à augmenter légèrement chaque jour. Donc si nous sommes sur une phase de plateau, la tension persiste et nous ne serions pas en capacité en Île-de-France d’encaisser une deuxième vague de malades réanimatoires. Cette situation est aggravée par le fait que les patients restent longtemps en réanimation avant de récupérer une fonction respiratoire normale, heureusement pour un grand nombre d’entre-eux. Donc ne nous relâchons pas, il faut maintenir le confinement.

En effet, nous avons raclé les fonds de tiroir pour multiplier par deux et demi le nombre de lits de soins intensifs, mais nous sommes arrivés aux limites de ce que nous sommes en capacité de faire.

Certains diront que cette situation est inédite et que personne n’aurait pu la prévoir. C’est en partie vrai, mais ces arguments ne sont avancés que pour masquer le fait qu’avant la crise, l’hôpital était à l’os après 20 ans de cure d’austérité et la fermeture massive de lits et d’hôpitaux. Il a été donc plus difficile de mobiliser des ressources supplémentaires en matériel et en personnels quand il a fallu partir d’une situation dégradée, sans aucune marge de réserve.

N’en déplaise à certains qui ne semblent pas vouloir remettre en cause cette politique de réduction de l’offre de soins hospitalière, il est légitime aujourd’hui de remettre en avant les critiques et les revendications qui sont portées depuis des années et avec une plus forte intensité depuis le mouvement qui a débuté dans les urgences et s’est étendu à l’ensemble de l’hôpital.

Oui, nous remettons en cause la politique de fermeture des établissements de proximité, de la concentration de moyens dans un nombre réduit d’hôpitaux localisés dans les métropoles, la politique du tout ambulatoire, la gestion des hôpitaux comme des entreprises de production de soins, la logique productiviste du fonctionnement à flux tendu…bref tout ce qui a été mis en place depuis des années et avec un zèle particulier par tous les ministres qui se sont succédés depuis 20 ans, dont Roselyne Bachelot qui essaye de se refaire une virginité aujourd’hui. Leur pitoyable tentative de se dédouaner de leurs responsabilités à la laquelle on assiste par médias interposés est honteuse. Il va falloir maintenant changer de logiciel pour reconstruire un système de santé qui n peut reposer que sur deux principes essentiels : le Service Public et une Sécurité Sociale à 100 %.

 

7 avril 2020

Ils persistent…

Sous les discours de circonstances, les libéraux qui nous gouvernent et leurs assistants zélés sur le terrain persistent dans leur politique de destruction des services publics.

Après un pauvre mea culpa en 2003 à la suite la catastrophe de la canicule dans les EHPAD, rien n’a été fait pour embaucher du personnel. Rappelons que les syndicats, soutenus par l’association des directeurs de ces établissements, réclament un encadrement d’un soignant par résident, ce qui nécessite la création de près de 300 000 emplois. Par contre les groupes privés de ce secteur accumulent des bénéfices, assis sur des tarifs honteusement élevés au regard du service rendu. Les ministres de la santé qui se sont succédés depuis et n’ont rien fait pour répondre à ces revendications, viennent de publier une tribune pour vanter la gestion de la crise par le gouvernement actuel. Ils se soutiennent entre « amis » pour masquer leur responsabilité ! Le directeur de l’ARS du Grand-Est, en pleine crise, annonce vouloir maintenir le plan de retour à l’équilibre financier du CHU de Nancy qui doit se traduire par la suppressions de centaines de lits et d’emplois. Ancien conseiller de Marisol Touraine, il poursuit avec docilité l’entreprise de destruction de l’hôpital public à son nouveau poste.

La gestion autoritaire par certains directeurs d’hôpitaux se poursuit et s’amplifie. Les salariés doivent se taire, sinon ils sont sanctionnés comme notre collègue de Marseille qui, après avoir publié une vidéo sur les réseaux sociaux dénonçant la piètre qualité des surblouses fournies par l’hôpital, a été convoquée pour un entretien à visée disciplinaire. Mais dans quel pays vivons-nous ? Allons-nous « fusiller » comme en 14-18 les mutins qui se révoltent contre l’incurie des « généraux » qui les envoient à la boucherie sans équipement adapté ?

Enfin, cerise sur le gâteau, les mensonges de Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Ce Monsieur qui en quelques années a engagé le démantèlement de plusieurs établissements n’a pas supporté que nous demandions l’utilisation des locaux vides de l’Hôtel-Dieu pour ouvrir des lits, notamment de réanimation. Ce qui a été encore plus insupportable pour lui est que cette proposition soit soutenue par Anne Hidalgo, maire de Paris. Pour contrer ce projet, il a affirmé que les alimentations en gaz (oxygène et air) avaient été démantelés, ce qui est faux et a été mis en lumière par le personnel ouvrier de l’établissement qui a vérifié encore hier leur bon fonctionnement.

La conclusion est bien qu’il va falloir se battre pour changer réellement de politique pour l’Hôpital Public car il ne suffira pas de se débarrasser des exécutants zélés et serviles.

 

6 avril 2020

Je sors de garde au Samu et mon billet sera plus court aujourd’hui. Pour la première fois depuis le début de l’épidémie, le nombre d’appels pour de nouveaux cas a nettement diminué en Île-de-France. Ce qui veut dire que le confinement commence à porter ses fruits. Par contre, nous avons encore beaucoup de personnes qui ont débuté la maladie il y a quelques jours avec un début d’amélioration, puis une aggravation nette entre le 8e et le 10e jour. Nous avons donc encore besoin d’un grand nombre de places en réanimation. Heureusement car nous arrivions, faute de matériel, aux limites de nos capacités.

Il s’agit donc aujourd’hui d’une première note d’espoir pour la région parisienne qui j’espère se confirmera dans les jours à venir. Par contre, notre colère est toujours là face à la pénurie de moyens essentiels de protection qui persiste. Nous ne pouvons nous contenter de dons et des bonnes volontés qui nous font chaud au cœur. Mais sans organisation par l’Etat de la production, de l’acheminement et de la juste répartition des moyens, les semaines à venir vont être difficiles.

Pour finir, je remercie en passant au nom de tous mes collègues les gendarmes qui nous ont livré avant-hier un lot de masques dont ils n’avaient pas l’usage. Bonne journée à tous.

 

5 avril 2020

La pénurie

Tout d’abord, commençons par une nouvelle porteuse d’espoir. Depuis maintenant 3 jours, le nombre d’appels pour de nouveaux cas de maladie diminue au Samu 93 et dans les autres Samu d’Île-de-France.
Cela signifie que les mesures de confinement commencent à porter leurs fruit. Espérons que les jours à venir confirmeront cette tendance. Mais ce qui continue à nous mettre sous tension est que le nombre de malades en réanimation continue à augmenter, cependant plus faiblement que la semaine dernière. En effet, les patients nécessitant des soins intensifs sont ceux qui s’aggravent à partir du 7e ou 8e jour de la maladie après une phase d’amélioration qui avait suivi les symptômes initiaux. Donc rien n’est gagné et il ne faut pas relâcher nos efforts.
Par contre, ce qui est plus inquiétant est la gestion calamiteuse de la pénurie de matériel par le gouvernement. Cette situation est due au fait qu’il n’a pas reconnu d’emblée que ses recommandations n’étaient pas basées sur des arguments de santé publique mais n’avait pour objectif que de masquer la pénurie dramatique de moyens. Pénurie de tests de dépistage qui nous a obligé à la mesure brutale du confinement généralisé alors que d’autres stratégies étaient possibles, notamment celle du dépistage massif adopté par la Corée du Sud. Pénurie de matériel de protection, notamment de masques, obligeant les autorités sanitaires à nous mentir en expliquant que le port du masque généralisé n’était pas efficace.

Le changement de pied de ce week-end est salutaire intellectuellement mais en pratique c’est une catastrophe. En effet, expliquer que tout le monde pourra se faire dépister et que le port du masque doit être systématique alors que, du fait de la pénurie, c’est matériellement impossible, met tout le monde en colère.
Colère encore plus grande chez les professionnels quand des grands CHU comme les Hospices civils de Lyon proposent le lavage des surblouses et le remplacement des tabliers de protection par des sacs poubelles avec un tutoriel pour expliquer leur usage !

Cette situation est liée à un manque d’anticipation mais surtout au mode de production mondialisé libéral mis en place depuis plusieurs décennies et qui nous mène à la catastrophe. Pour préparer l’après, je vous engage à signer la pétition dont je suis un des premiers soutiens avec le lien suivant : change.org/MilliardsHopital.

 

3 avril 2020

Urgence pour les EHPAD

À ce stade de l’épidémie, la priorité doit être les 700 000 résidents en EHPAD. Pour éviter le confinement total qui risque d’augmenter encore les difficultés, il est nécessaire que nos collègues beneficent en urgence de matériel de protection et surtout de renforts en personnel. Il faut des masques et des surblouses, car cela fait pleurer de voir ces professionnelles être obligées de bricoler elles-mêmes des masques en tissu ou d’utiliser des sacs poubelle comme protection.

Cette situation était prévisible. Il y a deux ans, un grand mouvement à agité les EHPAD avec une revendication de création de 200 000 emplois en urgence pour pouvoir avoir un ratio d’un agent par résident. Taux d’encadrement nécessaire pour avoir le temps de donner à manger aux résidents dépendants, de pouvoir donner plus d’une douche par semaine et surtout de pouvoir disposer de temps pour les écouter, leur parler et les réconforter. Or, là aussi, le gouvernement n’a pas répondu aux revendications et seuls quelques milliers d’emplois ont été promis. Par contre les groupes privés lucratifs qui gèrent une bonne partie de ces établissements ont continué à engranger de confortables bénéfices leur permettant de se développer dans de nombreux pays, y compris la Chine où un marché s’ouvrait.

Alors aujourd’hui exigeons un soutien massif aux aides-soignantes, infirmières et autres personnels des EHPAD.

 

2 avril 2020

Colère noire

Alors que nous nous battons face à la pénurie au quotidien pour sauver des patients, une note commandée par Emmanuel Macron à la Caisse des dépôts et consignations me met dans une colère noire. Cet outil financier de l’Etat créé par Napoléon nous propose un plan pour l’hôpital public qui se résume à sa privatisation et à son dépeçage, permettant aux requins de la finance de s’accaparer les morceaux les plus rentables.

Je vous ai écouté, Monsieur le Président, lors de votre discours de Mulhouse. J’étais sceptique face à vos promesses mais il me restait un espoir qu’en insistant un peu, finalement vous alliez commencer à répondre aux revendications que nous défendons depuis plus d’un an. Là, c’est la douche froide. Quelle écœurante duplicité ! Vous nous mentez en pleine tempête et je ne peut plus faire confiance au capitaine du bâteau.

Nous allons continuer à nous battre pour nos patients puis viendra le temps du bilan. Aujourd’hui mes journées sont longues à l’hôpital et j’utilise mes rares heures disponibles pour poursuive mon activité syndicale car mes collègues me demandent d’être leur porte-parole pour demander des moyens et exprimer leur désarroi et leurs inquiétudes.

Mais demain, nous nous mobiliserons pour un changement radical de politique, pour que par exemple les agents de la Caisse des dépôts travaillent dans l’intérêt des services publics, notamment l’hôpital public, et pas pour celui du monde de la finance.

 

1er avril 2020

L’urgence : la réquisition des entreprises

Nous subissons depuis le début de l’épidémie le manque de moyens de protection, notamment de masques, non seulement à l’hôpital mais aussi en ville où nos collègues médecins, infirmières, ambulanciers, etc.travaillent dans des conditions indignes qui les mettent en danger.
Aujourd’hui, la situation devient plus grave avec un début de rupture d’approvisionnement en médicaments essentiels, notamment les anesthésiques absolument indispensables pour endormir les patients intubés et ventilés en réanimation. Nous sommes là face à une mise en danger immédiate de la vie des patients. Cette situation était prévisible et rien n’a été fait. Depuis plusieurs années, nous avons été nombreux à protester et à demander au gouvernement de prendre des mesures face aux ruptures d’approvisionnement qui augmentent d’année en année dans les pharmacies. Il s’agit là de la conséquence directe des choix de l’industrie pharmaceutique qui a privilégié sa rentabilité financière au détriment de la sécurisation de sa production. Tout cela est connu et a été largement analysé par des associations comme l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament dont les appels auprès des pouvoirs publics sont restés sans réponse.

Il n’est plus possible face à cette crise dans la crise de se contenter de faire appel à la bonne volonté des entreprises et d’organiser des visites à visée médiatique, monsieur le Président de la République. L’urgence est à la réquisition immédiate des entreprises pour que la priorité soit donnée à la fabrication des produits indispensables au bon fonctionnement de notre système de santé. Le bricolage, c’est fini ! Seule la réquisition permet de prioriser les productions, de les répartir en fonction ds priorités et de contrôler les prix.
Il est par ailleurs insupportable de constater que la Communauté européenne ne sert à rien aujourd’hui. Chaque pays mène sa propre politique, s’est replié derrière ses frontières et il existe même un concurrence brutale pour s’approprier les rares moyens disponibles sur place où qui sont commandés à l’étranger.

L’inhumanité de l’organisation de notre économie dans le cadre de la mondialisation libérale est mise en pleine lumière. Monsieur le Président, vos belles paroles sur le thème « Demain, tout ne pourra plus être comme hier » ne peuvent suffire. L’urgence est immédiate et c’est maintenant que les choses doivent changer avec une première étape : la réquisition par l’Etat des entreprises indispensables pour sauver des vies aujourd’hui. Demain, nous compterons les morts qui auraient pu être évités.

 

31 mars 2020

Des doutes légitimes existent sur la gestion de la crise par le gouvernement actuel avec en arrière plan les responsabilités des gouvernements précédents. Dès le mois de janvier, nous avions été un certain nombre à souligner le fait que notre système hospitalier était à la limite de la rupture et qu’en cas d’épidémie sévère il risquait de ne pas être capable de gérer une augmentation brutale du nombre de malades. Par ailleurs, nous dénonçons depuis plus d’un an le manque de lits, de personnels, de matériel et de médicaments trop souvent en rupture de stock. La situation de tension, notamment en lits de réanimation, était prévisible. En effet, si nous étions parti « en guerre » avec le même nombre de lits rapporté à la population qu’en Allemagne, nous aurions disposé au départ de 10 000 lits, et non pas de 5000. Face à cette situation, le choix des TGV sanitaires interroge.
Ne serait-il pas plus simple de rapatrier du matériel et d’affecter du personnel dans des locaux disponibles sur place, notamment à l’Hôtel-Dieu, en plein centre de Paris où les locaux de la réanimation fermée il y a quelques années sont encore en état avec les alimentations en oxygène notamment. N’en déplaise à certains qui n’aiment visiblement pas les syndicalistes, notamment de la cgt, ces critiques sont légitimes et doivent être faites car il n’est pas question que sous couvert d’unité nationale, tout débat soit étouffé.

 

30 mars 2020

Retour au Samu ce matin pour une semaine cruciale en Ile-de-France avec le pic de l’épidémie qui s’annonce. Tout le monde va devoir être sur le pont. Tout le monde, ce sont mes collègues du Samu 93 que je voudrais vous faire connaître aujourd’hui. Les ambulancier.e.s si mal payés et si compétents. Les assistant.e.s de régulation médicale qui décrochent et trient les appels du 15 qui ont quadruplé. Les infirmier.e.s anesthésistes et les puéricultrices qui apportent leurs immenses compétences dans les ambulances de réanimation. Les médecins urgentistes et pédiatres, les internes qui accumulent les heures, des plus jeunes aux plus anciens. Les médecins généralistes qui répondent aux appels du centre 15 et assurent les visites à domicile. Les logisticiens qui assurent la gestion du matériel, si précieux car si rare dans le contexte de pénurie que nous subissons. Les secrétaires qui gèrent l’administration, indispensable au bon fonctionnement de notre structure très complexe. Nos deux professeurs de médecine qui nous alimentent en synthèses de données scientifiques pour mieux comprendre l’épidémie. Les cadres paramédicaux qui galèrent pour assurer les commandes de matériel et éviter les ruptures. Puis ceux qui sont venus en renfort : les anciens du service qui ont remis la blouse, les étudiants en médecine qui sont venus renforcer les équipes, les ambulanciers privés, les bénévoles des associations de secourisme… Plus tous ceux que j’oublie dans l’hôpital mais qui permettent à notre service très complexe de bien fonctionner. Personne ne compte aujourd’hui ses heures, la fatigue se fait sentir mais l’ambiance est très bonne avec une grande solidarité dans les équipes. Merci mes collègues et souvent amis. Ensemble nous sommes forts et nous allons assurer la continuité du service public pour la population.

 

29 mars 2020

Ce matin, dimanche, je pars au travail au Samu 93, avec une certaine appréhension car depuis maintenant plusieurs jours, les réanimations d’Ile-de-France arrivent à saturation. Il va donc être difficile de trouver des solutions pour de nombreux patients, notamment les plus, âgés. J’ai entendu hier soir le Premier ministre et le Ministre de la santé faire des annonces concernant des commandes de matériel et des prévisions d’ouverture de lits de réanimation. Dans un premier temps, je me suis dit que pour la première fois depuis de nombreuses semaines, le gouvernement n’était plus dans le déni et reconnaissait la pénurie de matériel. Mais en écoutant l’énoncé des chiffres et les dates annoncées, la colère m’est montée au nez. Nous avons besoin des tests, des masques et des lits de réanimation aijourd’hui et pas dans 10 ou 15 jours ! Nous promettre 50.000 tests par jour fin avril alors que l’Allemagne en fait déjà plus quotidiennement aujourd’hui, qu’elle foutaise ! Il en va de même pour les masques promis dans les EHPAD qui sont indispensables dès maintenant ! Cela montre bien que le gouvernement a encore un train de retard et court après la crise. Gouverner, c’est prévoir, messieurs. Et vous n’avez rien prévu à temps. Nous, urgentistes, demandons que tous les moyens industriels, logistiques et humains de notre pays soient mobilisés immédiatement pour que notre système de santé de puisse répondre aux besoins des patients. Il faut arrêter toutes les autres activités non essentielles. C’est vital, car nous refusons d’être en situation de sélectionner les malades qui pourront aller en réanimation et ceux qu’il faudra laisser mourir par manque de moyens.

 

28 mars 2020

J’étais hier jusqu’à minuit en régulation au Samu de Seine-Saint-Denis. Depuis 3 jours, plus aucune place en réanimation dans notre département. La conséquence est le transfert de patients dans des reanimations au quatre coins de la région parisienne.

Cela souligne deux problèmes.
Premièrement, cela met en lumière ce que nous dénonçons depuis des années, à savoir la faiblesse des services publics dans les départements les plus pauvres, notamment en termes de lits hospialiers. Faiblesse qui n’ est pas compensée par le secteur privé lucratif que nous avons sollicité, mais qui était lui aussi dépassé et qui par ailleurs n’est pas doté de beaucoup de places en réanimation.
Deuxièmement, cela pose une question sur la stratégie du gouvernement. Il faudrait en urgence augmenter les capacités hospitalières sur place, bien au-delà de ce qui a été fait jusqu’à présent. Mais aujourd’hui la réponse qui semble se profiler est celle de nouveaux TGV sanitaires pour évacuer des patients sur la province. Cela ne semble pas raisonnable. Il serait plus utile de mobiliser l’ensemble des ressources logistiques et humaines disponibles en Île-de-France. La priorité ne peut être aujourd’hui le maintien de l’activité économique, y compris dans des secteurs qui ne sont pas essentiels dans la lutte contre l’épidémie. Toutes nos forces doivent être concentrées immédiatement pour passer le cap du pic de l’épidémie dans les régions les plus touchées.

La région parisienne est soit disant une des régions les plus riches du monde, le gouvernement doit arrêter de tergiverser et de courir après les événements. Il est possible, si les bonnes décisions politiques sont prises immediatemment, de pouvoir mettre en œuvre les solutions adaptées.

 

27 mars 2020

Que l’armée française ne soit pas capable de monter un véritable hôpital de campagne avec un nombre de lits conséquent et que l’aide à Mulhouse se limite à quelques tentes avec 30 lits, alors que des pays comme la Chine ont construit des hôpitaux de plusieurs centaines de lits avec des bâtiments modulaires en quelques jours, cela montre bien que la politique de destruction du Service de santé des armées, avec la fermeture de nombreux hôpitaux, a mis aussi ce service public à genoux.

La conséquence a été l’organisation d’un train sanitaire qui a été largement médiatisée mais qui s’avère être un gâchis délirant en termes de moyens dans la situation actuelle. Mobiliser 150 soignants pour faire traverser la France à 20 malades, mais quelle bêtise ! D’une part, la crise en Alsace est largement due au fait que le nombre de lits en réanimation dans cette région était initialement insuffisant comme dans toute la France et je le rappelle de moitié inférieur rapporté à la population par rapport à ce qui existe de l’autre côté du Rhin, en Allemagne. Par ailleurs, il aurait été préférable de monter un véritable hôpital supplémentaire en faisant appel à la réserve sanitaire sur place à Mulhouse. Demain, nous risquons d’être à saturation en Ile-de-France en ce qui concerne les lits de réanimation. Allons-nous organiser des trains sanitaires pour répartir les patients sur toute le territoire ? Non, il faut que le gouvernement mobilise l’ensemble de nos ressources pour le système de santé en arrêtant les activités non essentielles et mette en oeuvre des capacités hospitalières supplémentaires sur place en région parisienne dans des locaux disponibles.

 

26 mars 2020

Que le Président de la, République reconnaisse que l’hôpital va mal est un premier acquis. Cependant, ses promesses restent floues alors que nos revendications sont précises et chiffrées. Nous réclamons des lits et l’arrêt des fermetures de services et d’hôpitaux. Nous réclamons des effectifs supplémentaires : 100 000 à l’hôpital et 200 000 en EHPAD. Enfin nous réclamons des augmentations de salaires et non des primes. Le chiffrage a été fait par l’intersyndicale et les collectifs. Nous demandons pour 2020 une augmentation du budget des hôpitaux de 5 %, soit 4 milliards d’euros immédiatement.

Les promesses faites hier ne sont pas à la hauteur de la crise qui ne date pas d’aujourd’hui. Elles restent floues et non chiffrées, présentées dans le cadre d’un discours compassionnel qui nous énerve. Monsieur Macron, nous voulons du concret avec des financements precis. Le temps des promesses, c’est terminé !

 

25 mars 2020

Osez dire que le gouvernement actuel n’est pas responsable de la pénurie de masques et autres matériels dans les hôpitaux est un énorme mensonge ! En effet qui a décidé de ne pas débloquer les crédits pour maintenir la réserve datant de la grippe H1N1 : Bercy. Et qui était à Bercy à l’époque : Emmanuel Macron !
Ils sont pitoyables à ce jeu du « c’est pas moi qui suis responsable mais c’est mon prédécesseur ».

Mon constat est simple : la dégradation des services publics et des hôpitaux a débuté avec le tournant libéral initié par Thatcher et Reagan aux Etats-Unis et en France avec Bérégovoy relayés par les guignols médiatiques Tapie et Montand. Depuis, que les gouvernements aient été de « droite » ou de « gauche », la même politique libérale nous a été imposée avec la fermeture massive de lits et d’hôpitaux. Aujourd’hui nous manquons de lits de réanimation mais qui a validé par exemple le Projet régional de santé de la région PACA qui prévoit la fermeture de 13 réanimations ! Qui a fermé, il y a un an, la réanimation de l’hôpital Jean Verdier à Bondy dans mon département, que nous avons pu rouvrir heureusement la semaine dernière car le matériel et le personnels était encore présent ? Les ministres de la santé qui se sont succédés, servilement assistés par une partie des directeurs et des médecins en postes de responsabilité.
Et aujourd’hui, ils viennent pleurer dans les médias, comme le premier de la classe, Martin Hirsch, pour faire appel à la générosité publique pour acheter du matériel et aux retraités pour venir aider le personnel en nombre insuffisant. Manque de lits et de personnels, ce sont les revendications qui motivent notre grève depuis plus d’un an. Un de ceux qui nous a envoyé paître lorsqu’il était rapporteur du budget de la Sécurité sociale, c’est Olivier Véran qui aujourd’hui essaye de se dédouaner dans ses interventions en tant que Ministre de la santé.

Aujourd’hui nous faisons notre boulot pour assister au mieux nos patients avec des moyens insuffisants. Mais après la crise, il faudra que ces « braves » gens passent à la caisse pour payer car leur responsabilité est clairement établie.

 

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